21 juil. 2009

Société à Moyenne Vitesse

1964 : la ségrégation raciale aux États-Unis est officiellement abolie. 44 ans plus tard est élu le premier Président Noir des USA en la personne de Barack Obama.

En France, c'est en 1848 qu'est abandonnée toute forme de ségrégation raciale avec l'abolition de l'esclavage. 161 ans plus tard, notre Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) ne compte qu'une seule élue "issue de la diversité", comme on dit, la député socialiste George-Pau Langevin.

sans-titre4Si ce constat est le symbole de l'échec de la politique d'intégration qu'a mené la France depuis un demi-siècle, d'autres éléments relevant de domaines totalement différents amènent à se poser la question de l'efficacité du système de pensée de la société française.

Exemple #1 : lors d'une récente interview que je menais avec une jeune chercheuse scientifique française terminant actuellement sa thèse à Boston, dans le cadre du programme Pour les Femmes et la Science, celle-ci m'a raconté l'écart béant qui sépare la mentalité française de la mentalité américaine dans le domaine de la recherche. Par exemple, cette jeune chercheuse talentueuse -elle vient de recevoir un Prix d'Honneur pour ses travaux- s'est faite refouler par tous les laboratoires en informatique français pour le motif qu'elle étudie la neurobiologie et qu'à ce titre elle doit, dans la pensée étriquée des directeur de centres de recherches français, rester dans un laboratoire de neurobiologie. Aux Etats-Unis, plusieurs laboratoires d'informatique, et parmi les plus prestigieux, l'ont accueilli à bras ouvert, acceptant sans problème qu'elle souhaite utiliser les technologies informatiques pour mener à bien ses recherches en neurobiologie. Ils l'ont parfaitement compris dans la mesure où c'est quelque chose qu'ils pratiquent depuis bon nombre d'années. En France, de timides directeurs de centres de recherche commencent à peine à comprendre cet intérêt.

Résultat : cette jeune chercheuse brillante préfère rester aux Etats-Unis, dans un pays qui a compris l'intérêt de conserver ses cervaux et de leur donner les moyens d'innover, quitte par ailleurs à être subventionné en partie par des entreprises, ce qui n'est pas perçu comme mauvais aux USA.

Exemple #2 : Comme je le mentionnais dans un précédent billet, l'action de grève est considérée en Allemagne comme un ultime recours de la part des syndicats lorsque TOUTES les discussions et les autres solutions n'ont pas abouties dans un conflit social. En d'autres termes on privilégie le dialogue, la recherche intelligente de compromis et de solutions raisonnablement acceptables, ce qui inclue bien sur des concessions de la part de TOUTES les parties. En France, nos syndicats, véritables GO du Club Merguez, vont hurler à la mobilisation et organiser des "journées d'action" avec atelier loisirs créatifs (banderoles), atelier cuisine (saucisses-merguez) et enfin atelier défouloire (manif) mais d'atelier échange-discussion-négociation point n'en faut !

Exemple #3 : Pourquoi la France copie des années après leurs création nombre d'innovations ou de nouvelles méthodes dans divers domaines, et ce avec souvent beaucoup de retard et une efficacité moindre, au lieu d'impulser la nouveauté. Je vais prendre un exemple issue de mon métier : les anglo-saxons ont développé depuis l'après-guerre des techniques de communication que nous commençons à peine à utiliser avec balbutiement en France alors qu'elles ont fait leurs preuves depuis des dizaines d'années dans d'autres pays. Par exemple, la technique du storytelling (raconter une ou plusieurs histoires à fort pouvoir de séduction et de conviction pour faire passer des messages plus complexes avec efficacité) a été utilisée par les spin doctors (conseillers en communication politique) américains depuis Reagan et a pris son envol avec Clinton. Or, en France, c'est seulement avec Sarko, lorsqu'il était encore Ministre de l'Intérieur, que cela est apparu, et nous sommes encore loin de l'efficacité de la pratique anglo-saxone de cette technique. Une autre technique, le lobbying, n'en est également qu'à ses timides balbutiements en France alors que c'est un procédé efficasse très utilisé -avec éthique et régulation- dans beaucoup d'autres pays.

Je vais arrêter là les exemples. Si j'ai la chance extrême d'avoir encore de tenaces lecteurs à ce stade du billet, ils auront compris que je me fais du souci sur la capacité intrinsèque de la société française moderne (c'est-à-dire depuis pratiquement un siècle) à innover, à insuffler un vent nouveau, à aller de l'avant, à progresser avant les autres (ou au moins en même temps que les pionniers) comme d'autres nations en ont visiblement d'avantage les capacités.

Et je m'inquiète encore plus des raisons de cette lacune supposée. J'ai l'impression que notre société française, faite de moules dans lesquels il convient de rentrer, d'un bridant assistanat qui musèle la responsabilité individuelle, de bien-pensence à œillères et de vieux tabous ridicules, nous freine dans notre créativité, notre ingéniosité, notre envie d'entreprendre, de tester, de prendre des risques et finalement par là de progresser, quitte évidemment à faire des erreurs. Car l'on apprend toujours de ses erreurs.

Mais à trop se sentir plus fort que tout le monde, on reste souvent derrière les autres.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire