6 juin 2012

Portraits officiels et messages officieux

Le nouveau Président de la République a livré avant-hier son traditionnel portrait officiel, que rien oblige dans la loi mais qui sera dans toutes les mairies et écoles de la République. 

Un cliché intéressant à bien des égards, une photo qui a capté mon attention de par la charge émotionnelle à laquelle il renvoie. 

Avant de décortiquer la photo de François Hollande, voyons rapidement celles de ces prédécesseurs au sein de la Vème République avec une analyse très rapide :

Charles de Gaulle

Le cadrage, américain et en contre-plongée, place le spectateur dans une position d'infériorité vis-à-vis du Président, debout, qui porte son habit de cérémonie dans la bibliothèque de l'Elysée qui permet de construire des lignes verticales qui soulignent l'attitude droite du président et de rappeler, la main posée sur un livre, l'héritage culturel de notre pays. Le regard est orienté vers l'extérieur, le visage est grave.

Georges Pompidou

Ce portrait présente Pompidou comme héritier et successeur direct du General de Gaulle, la même scénographie est utilisée, seul le livre sous la main a disparu et la tête est orientée vers la gauche mais le regard toujours à l'extérieur du cadre.


Valery Giscard d'Estaing

Avec ce plan rapproché, dans un format paysage, sans contre-plongée, le Président apparaît comme plus proche, il est situé au même niveau que le spectateur. Cela renvoie au désir de Valéry Giscard d'Estaing d'être un Président « moderne », proche de ses concitoyens. C'est la première fois que le drapeau apparaît dans un portrait officiel et Valéry Giscard d'Estaing a délaissé l'habit de cérémonie et la bibliothèque, qui paraissent datés. Pour la première fois également, le Président nous regarde et sourit et son teint apparait comme (un peu trop) halé : ce n'est plus une fonction (Président) qui s'affiche mais un homme.

François Mitterand

On retrouve un cadrage plus classique mais on garde un plan rapproché et un cadrage à hauteur du Président qui montre qu'il veut désormais se montrer plus proche des citoyens. On retrouve le décor de la bibliothèque de l'Elysée mais Mitterrand ne reprend toutefois pas l'habit de cérémonie, c'est un mélange de retour aux modèles anciens et une reprise des nouveautés introduites par VGE. Le visage est souriant et pour la première fois, le Président est assis, comme pour montrer une certaine sérénité et ainsi rassurer. Il tient à la main un livre, ce qui lui permet de s'afficher comme un grand amateur de littérature et de donner une référence aux Français : les Essais de Montaigne.

Jacques Chirac

On retrouve un cadrage américain avec une légère contre-plongée, il y a une certaine distance recréée entre le spectateur et le Président. C'est la première photographie officielle faite en extérieur : les jardins de l'Elysée. Le drapeau fait également son retour de manière discrète. Les couleurs de la photographie officielle changent : les teintes sombres de la bibliothèque sont remplacées par des couleurs plus vives (bleu, vert). Le président est de nouveau debout, le corps légèrement penché, les mains derrière le dos, ce qui crée une dynamique et incite à une certaine sympathie. Moderne et naturel. Le Président doit maintenant sourire discrètement sur son portrait officiel, c'est désormais une certitude.

Nicolas Sarkozy

Le cadrage est plus éloigné, ce qui accentue la petite taille du Président (dommage…), qui apparaît également comme plus lointain. C'est un retour à la bibliothèque de l'Elysée, mais on a ajouté à ce cadre classique, de grands drapeaux français et européens, côte-à-côte. L'apparition du drapeau européen dans le portrait officiel du président de la République française marque une évolution : l'avenir de la France est lié à celui de l'Europe. Le président est de nouveau debout, de trois quart mais avec le visage tourné vers le spectateur, une pose très officielle et rigide qui fait penser aux premiers portraits officiels. A noter qu'il s'agit du premier portrait à subir des retouches numériques et c'est aussi celui... qui a le moins bien marché.

François Hollande

Le format carré est clairement un clin d'œil à la photographie amateur avec le polaroïd ou Instagram, résolument moderne. François Hollande est dans l'ombre des arbres, et au loin l'Elysée est surexposé. Le choix de l'extérieur peut être perçu comme un clin d'œil au Président Chirac mais, au-delà, c'est à mon sens pour mettre en avant sa "filiation" avec la Corrèze (bien que Normand, ne l'oublions pas), mais surtout la France provinciale en général. Le Président, bien qu'en légère contre-plongée, apparait très naturel grâce à la technique du photographe, Raymond Depardon, qui lui a demandé de marcher vers lui. On est loin des codes de la photo institutionnelle, puisque François Hollande se veut Président "normal". C'est clairement l'homme qui est photographie et moins le President. Un très bon cliché, à mon sens. Seul l'arrière-plan, en particulier les drapeaux, fait un peu Photoshopage, dû notamment à la surexposition. Les bannières ont pourtant été posées en vue de la photo.

Probablement le meilleur portrait officiel de Président jusqu'à présent, selon moi, d'un point de vue artistique.


1 commentaire:

  1. Je dirais que le pire est celui d'Hollande et que les mieux réussis sont ceux de Pompidou et De Gaulle.

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