30 déc. 2010

Chez moi

Le train, réputé à grande vitesse, qui m’emmène fend la brume matinale. Cocoon et leurs mélodies boisées m’accompagnent. Je quitte ce pays de Bretagne qui a si souvent rimé avec pays de Cocagne, qui a si souvent nourri mes fantasmes passés. J’ai passé toutes mes vacances depuis ma naissance jusqu’au milieu de mes études supérieures dans ce village côtier à l’entrée du Pays Bigouden. Sainte Marine était alors mon Eldorado. Et le retour dans le pays d’Auvergne n’en était à l’époque que plus douloureux.

A tel point qu’aux temps où mon adolescence me faisait ressentir les plus extrêmes sentiments, je fus porté par des espoirs indépendantistes. Et je ne cessais de clamer de bien lointaines et infiniment diluées origines bretonnes, Gwenn-ha-du* haut porté et « Breizh da viken »** fièrement crié. 

Comme les choses ont changé. Depuis, j’habite, contraint et forcé, Paris la Grise. Mais j’appartiens bel et bien à mon pays d’Auvergne. Depuis toujours, sans m’en être rendu compte avant ce déménagement forcé. Car, paradoxalement, c’est le fait d’avoir quitté définitivement la terre qui m’a vu naître, qui m’a fait réaliser à quel point elle est, à jamais, mon pays. Il n’existe, à ma modeste connaissance du monde, aucun autre endroit sur Terre où je me sente aussi bien. J’y ressens l’intensité de mes racines, la force insensée de mes ancêtres et le bien-être qui sied à mon âme.

L’être humain semble ainsi fait qu’il peut, au grès du temps, des âges, des sentiments ou des hormones, se prendre de passion pour autre chose que ce qui semble naturel. Est-ce anormal ? Je ne le crois pas. Mais il faut une certaine force mentale, un recul, une capacité d’introspection réelle et une volonté d’évoluer dans sa vie pour réaliser cela. Et prendre les décisions, si infimes en apparence peuvent-elles sembler, qui s’impose pour poursuivre sa conquête du Bonheur. 

Me viennent souvent à l’esprit les paroles de cette formidable chanson de Gilles Servat, génial barde Breton du Tarn ou Tarnais de Bretagne, au choix : « Le Pays ». Auvergne, Balkans, Chine, si lui y évoque la Bretagne, chacun peut y voir son pays, si loin quand on n’y est pas.


Le Pays (Gilles Servat)

Est-ce par espérance ou est-ce par désespoir
Tu as quitté ta terre pour travailler ici
Maintenant tu découvres dans tes soirs de solitude
Et dans le regard des autres que tu es différent

Il est là, là il est en toi 
En toi, Le Pays 
Et tu dis c’est sûr, je reviendrai là-bas 
Si je peux

Tu écoutes des musiques et des chansons de là-bas 
Cœur serré, tu les chantes sur ton lit dans le noir
La langue de ta mère elle ne t’intéressait pas
Maintenant tu veux l’apprendre
Tu n’as plus honte de toi

Il est là, là il est en toi 
En toi, Le Pays 
Et tu dis c’est sûr, je reviendrai là-bas 
Si je peux

Dans un bar tu retrouves 
D’autres enfants de là-bas
Vous faites dans vos rêves 
Un pays plus beau qu’il n’est

Il est là, là il est en toi 
En toi, Le Pays 
Et tu dis c’est sûr, je reviendrai là-bas 
Si je peux

Il est là, là il est en toi 
En toi, Le Pays 
Et tu dis c’est sur je reviendrai là-bas 
Si je peux…oui


* « Noir et blanc », le nom du drapeau breton.
** « Bretagne pour toujours » en breton.

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